Eloge de la fuite

Je pourrais, comme Mylène Farmer, clamer « Je t’aime, Mélancolie ». Mais tout de suite, je pense aussi , comme souvent, à Nick Hornby. Je suis dans un train, je n’ai pas de wifi, je travaille sur un powerpoint en revenant d’un déplacement pendant lequel j’ai dormi dans une chambre décorée avec une croûte que même pas tu veux savoir que ça existe. Après, je pense aux « Choses » de Perec, et bon, bah, j’ai un peu le seum, tu vois.

Là où Nick H me sauve encore et toujours, c’est qu’il me donne l’idée de lever le nez de mon taf et de regarder le paysage.  Il fait beau, comme Michel Sardou et Chimène Badi avant moi, je viens du Sud (c’est-à-dire que je reviens de Baillargues, que je ne connaissais pas du tout il y a 25h).  Et bim, mon i-Pod envoie Kurt Vile, quelque part pour moi entre Eddie Vedder et Bob Dylan.

kurtvile2015

BlackBerry Song, particulièrement, embue tout. Quand j’écoute ça, j’imagine quelqu’un qui s’enliserait avec dignité. Autant de tristesse mais moins de larmes que chez Jeff Buckley. Comme la plupart des artistes que j’aime durablement, Kurt Vile me rassure. Sa musique m’émeut car, de façon implacable, elle m’assène que l’adolescente en moi reste vivace. Comme le miroir et le calendrier dévoilent chaque jour un peu plus la mémère que je suis, ça met quand même toujours du baume au cœur d’être capable de regarder le paysage en rêvassant.

Il n’a rien d’un punk, Kurt, mais l’écouter me rappelle toujours que l’embourgeoisement n’est pas le seul salut. Blackerry Song, c’est une fugue. Je n’imagine pas l’écouter en ayant d’autre envie que celle de m’évader. Le flou de cette chanson, c’est là qu’on approche le punk et l’intime. Ce folk qui prend aux tripes tout doucement a la politesse de ne pas penser à ta place. Fuis ce que tu veux, et sans emmerder personne. Ecouter cette chanson autrement que seul, c’est presque obscène. Quelque chose invite à la fuite donc, à la solitude, à ne penser qu’à soi. A ne pas prendre de place et à regarder le monde poursuivre son cours. A être plus sympa, mais plus loin.

Quand cette chanson est sortie, Kurt avait moins de 30 ans. Je gagnerai en sagesse à chaque écoute, toute mémère que je devienne.

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