Vanité

ventura
source : Blog du West 2

Il y a donc des chansons que j’ai découvertes grâce au cinéma. Mais certains films m’ont été mis sous le nez par des gens. Je ne te parle pas des films qu’un pote t’a forcé à regarder chez lui. (Amis que j’ai coincés devant “All that jazz”, encore pardon). Je pense aux films dont quelqu’un que tu ne connais pas forcément très bien t’as vanté les qualités avec une flamme quasi suspecte.

Un collègue à moi a regardé comme ça “Garde à vue”. Je lui en avais parlé, sans doute pas franchement sobre, avec un enthousiasme qui confinait au sectaire. Ce qui me fait dire que ma sobriété était approximative, c’est que je n’ai jamais eu aucun souvenir de ma diatribe. Quelques mois plus tard, dans l’open space, le gars m’a dit “Tiens, j’ai vu “Garde à vue””, j’ai pensé à toi.”

-Ah bon ?

– Oui, tu m’en avais parlé. Tu m’as dit que c’était génial. J’ai eu envie de le voir.Tu étais vraiment très très enthousiaste.”

J’étais très contente d’avoir conseillé ce film. Même sobre, je n’en démords pas et je n’envisage pas d’avoir un jour l’envie de renier cette admiration.

C’est une ancienne collègue, mi-goth, mi chée-per, pas extrêmement futée mais bien curieuse, qui m’a conseillé “L’échelle de Jacob”. J’ai été partagée pendant des années. La fille me semblait un peu concon, mais je n’en étais pas sûre. Elle avait utilisé des termes très vagues mais elle semblait vraiment habitée par ce film. C’était il y a 18 ou 19 ans. Je pensais toujours à ce film, j’avais acheté le DVD sans le visionner. Je n’ai plus de lecteur DVD.

Au mois de mars, je me suis récupérée une espèce de grippe-hypotension, à côté de moi, “les Vieux” de la chanson de Brel, c’était Usain Bolt. Je déposais l’enfant à l’école et m’échouai sur le canapé pendant plusieurs jours. Armée de la télécommande et d’un sandwich à l’omelette, je cherchais des films. Je suis tombée sur “L’échelle de Jacob”. J’ai repensé à l’enthousiasme vaporeux d’Anne-Cécile, et j’ai regardé le film. (Merde, merde, merde, c’est un blog, c’est déjà trop long).

A ce stade de mon post, je t’épargne le “Si vous avez manqué le début”. J’ai simplement pris la même baffe que ma collègue 20 ans plus tôt, à 20 ans de moins que ce que je n’ai aujourd’hui. Je pense que cette fille a oublié mon existence. Et dans ma vie, elle n’est pas spécialement importante. Mais ce film a créé un genre de lien invisible. Je ne la connais pas et je sais que ce film a été important. Si je la recroise, je lui dirai, comme mon collègue l’avait fait pour moi, “j’ai vu le film, j’ai pensé à toi”. C’est l’opposé du destin du lecteur. Au lieu de créer des liens entre tes lectures, ça crée des liens avec les gens.

Je n’aime pas les films sur la guerre du Vietnam. Ce sont souvent des objets portés au pinacle que je ne comprends pas.  “Hair”, “Outrages” et “L’échelle de Jacob” échappent à ça.

Un tiers de ma culture cinématographique sur la Défaite des Américains vient de ma collègue. J’ai bien fait de l’écouter, la fille que je pensais un peu concon.

Ca ne prévient pas, ça arrive…

Je n’ai pas posté grand-chose, ces derniers mois, tout simplement parce que je n’ai rien terminé. Mon été a été riche en idées avortées. J’ai un post qui traîne sur “I Feel Pretty” de et avec Amy Schumer, j’ai très envie de l’achever, mais je n’y arrive pas.

Tout ça pour dire que j’ai écouté le dernier album de Lady Gaga. J’ai poussé le vice jusqu’à l’acheter en vinyle. Pas la BO de “A Star is Born” mais “Joanne”.

Gaga
source: amazon

La première chanson qui m’a marquée est “Million Reasons”, sorte de variante pop et solide de “Glory Box”. Celle qui la suit sur l’album s’appelle “Sinner”s prayer”. Ami, si tu détestes Lady Gaga, va écouter cette seule chanson.

Je le jure, le son qui ouvre la chanson est le même qui celui qui ouvre

“Où t’étais ? – Invité par des potes à une soirée, on s’amusait bien, je n’ai pas vu l’heure qu’il était”

de ce bon vieux Ménélik. Suit une basse avec un genre de son de cymbale lointain qui donne une couleur Western au truc. Elle termine de planter le décor avec des incursions de piano qui font penser à Westworld, et des choeurs décidés. Et cette basse, tarantinolienne.

Ce truc, qui semble immonde quand je le décris, s’avère entraînant et plein de personnalité. Et ces trouvailles ne servent qu’à mettre en valeur la voix de Lady Gaga. Comment la décrire sinon dire que c’est l’exact opposé de celle de Lou Reed sur “Perfect Day”.  Dans Lou Reed, j’entends une énergie fragile. Pour Gaga, c’est davantage une fragilité énergique.

On croirait, avec le souffle qu’elle a en permanence, qu’elle ne tiendra pas. Elle part sur un morceau qui l’emprunte à la country, On se dit qu’elle peut y arriver si elle reste dans un registre lancinant.

Le premier refrain arrive. Elle s’y investit avec une détermination qui rappelle celle du Gospel. Et cette détermination gagne en confiance au fur et à mesure de la chanson. Je n’ai pas envie de parler de puissance, parce que justement, c’est ce grain de vulnérabilité de plus en plus assumé et porté avec foi qui me touche.

Ecouter cette chanson, c’est comme voir quelqu’un se lever après être tombé 7 fois. Même si on comprend mal l’anglais, difficile, avec l’interprétation qu’elle en fait, de ne pas saisir “ I get on my knees and beg you”. J’y perçois de la fatigue, de la compromission et l’agacement, aussi. Cet agacement devient l’énergie qui porte le refrain.

“Hear my sinner’s prayer / I am what I am / And I don’t wanna break the heart of any other man / But you, but you”

Gaga résume ici une part essentielle de la condition féminine. On pourrait dire qu’elle est un peu victime, un peu chattarde revancharde, mais ce “I am what I am”, articulé avec sérénité en fait la star qu’elle est, avec toute l’imagerie marketeuse des “Littles Monsters” autour. Ce “I am what I am” porte l’héritage du” Say it Loud, I’m Black and Proud”. Peu de chansons peuvent autant donner une profonde joie de vivre.

Marriage and the City

Je continue de flâner sur les séries du couple. J’ai poursuivi le visionnage des histoires amoureuses fictionnelles. L’effondrement du couple est souvent abordé. On approche des années 2020 et un nouveau sujet monopolisera sans doute la prochaine décennie.

« Divorce. » fait sans doute partie du baroud d’honneur  de la thématique. Produite par Sarah Jessica Parker, elle raconte les déboires d’une quinquagénaire new-yorkaise ( SJP, tu peux faire semblant d’être une jolie fille de 41 ans, mais tu dupes plus personne, ma poulette).  Oui, toi aussi, tu la vois, la grosse grosse parenté avec « Sex and the City ». D’autant que Frances, galeriste en permanence sapée comme jamais, a deux copines un peu chtarbées.

Malgré cette allure de fond de tiroir, j’ai tout de suite énormément aimé « Divorce. » Le simple fait d’intégrer un point au titre m’a semblé relever du génie typographique.Divorce-HBO-1 Après, j’ai un peu modéré mes ardeurs. Reste que la série contient des éclairs d’une sensibilité dont la justesse étonne. Les premiers épisodes montrent l’ex mari comme un beauf installé confortablement dans sa vie.  Un personnage comme lui est à l’origine de vraies belles scènes de comédie. Ne sous-estimons pas la puissance comique du con indigné. Passé l’aspect vaudevillesque des deux premiers épisodes, s’installe une atmosphère de quotidien qui laisse une place, infime peut-être, mais une place quand même, au beau. Le désamour dans lequel la haine le dispute sans cesse à l’affection teintée de regrets imprime tous les épisodes. C’est de là que sort le magnifique accidentel. Le meilleur épisode, celui qui vaut vraiment la peine d’être vu, est celui où Frances et son beauf vont fêter Noël pour la dernière fois dans sa famille à elle. Evidemment, elle n’a pas eu le cran d’annoncer sa Bérézina intime à ses parents. En découlent des quiproquos parfois réussis. Puis une scène dans laquelle le couple moribond s’endort dans la chambre d’adolescente de Frances.  Filmée comme ces scènes le sont souvent. On aperçoit les contours des visages dans l’obscurité. Pour la première fois, les ex se parlent avec une réelle volonté de communiquer. L’heure n’est plus aux comptes, pas encore à la guerre.

Et là, le beauf moustachu (mais l’auriez-vous imaginé autrement ? ) formule cette banalité qui, dans le contexte, devient poignante. « J’ai fait des erreurs. Il y a des erreurs qu’on ne peut pas réparer ». Et tout devient clair, en tout cas, cette petite phrase a clarifié beaucoup de choses pour moi. Le bonheur conjugal est voué à ne pas durer puisqu’il met en scène des êtres humains et qu’ils sont taillés, sinon pour l’échec, du moins pour l’erreur. On ne peut pas attendre de l’amour autre chose qu’une inéluctable dégringolade.  Cette petite idée m’a apporté beaucoup de réconfort, en suivant la logique du post sur Pink Floyd. Ca a créé une démarche de révision à la baisse des attentes, envers moi aussi. Avec cette impression de ne pas vouloir de l’amour au rabais, mais d’accepter de l’amour qu’il soit humain. Faillible. Mortel.

Le retour des fouf’ géantes

slits3Le problème du blog est aussi un garde-fou. On peut pas faire trop long. Et je rencontre toujours le même problème. La Digression. Oui, avec une majuscule, car c’est l’essence de mes monologues, oraux ou écrits.

Dans mon dernier billet, je voulais parler des Slits, de Viv Albertine et son autobio. Et hop, je divague et m’éloigne de ma préoccupation. Pourtant “I Heard Through The Gravepine”, me suffirait à écrire des pages entières. Encore plus depuis que j’ai lu le livre sus-nommé. Ca commence avec – je suis sûre qu’il y a un mot pour ça-  les 3 filles qui chantent bouche fermée un son très labial, un genre de litanie.

Une fille  – Ari – commence le chant, et réussit l’exploit punk de produire un genre de bégaiement décidé.  Elle passe ensuite par des miaulements, des performances vocales qui font passer la version de Marvin pour un hymne de grenouilles de bénitiers. Quand les Slits déboulent, on devient un animal. Ca donne envie de sexe, quoi. Ou, tout au moins, de courir torse nu, brandir une canette de bière mauvaise et tiède en découvrant des aisselles non épilées et brailler des “Oï, Oï”. En réalité, souvent, à 17h20, je quitte mon poste dans une banque, ferme jusqu’en haut mon manteau d’hiver, prend le RER et file chercher mon enfant à l’école.

Grâce aux Slits, ça va quand même. Viv Albertine produit un petit son métallique qui me rappelle la scène de la prison dans Hair, et globalement, les scènes de prison qu’on voit dans les fictions américaines. Les choeurs, derrière Ari et la guitare de Viv, sont l’exact contraire d’une minauderie.  Déterminés, graves, désespérés, en colère. La ligne de basse est un aveu que ces filles-là connaissent leur Desmond Dekker mieux que la moyenne.  Techniquement,  et c’est dit dans “De fringues, de musique, de mecs”, les Slits ne sont pas une référence. Bien sûr qu’on s’en fout. On peut difficilement défendre aussi bien qu’elles l’idée qu’une femme n’a pas à être là pour faire joli, pour faire valoir et pour se faire chier.

Sid Vicious Vs/Belinda

 

vivEvidemment, je n’aime pas Claude François. Même si France Gall. Mais j’ai – parfois –  un snobisme de hipster. “Comme d’habitude”, m’émeut. Même avec cette immonde voix nasillarde qu’est celle du blondinet. J’y vois la même grâce qu’on trouve dans certaines chansons de Dalida. Ce côté, que, par manque de vocabulaire, je nomme “ Je prends du gardénal en robe à paillettes”.

J’ai repensé aujourd’hui à cette chanson en lisant “De fringues, de musique, de mecs” de Viv Albertine. J’ai la conviction qu’existe “le destin du lecteur”, concept que j’avais dû voir en fac.

Dans mon “destin de lectrice”, je suis tombée il y a moins de 3 mois sur une émission de radio consacré au punk. J’y ai découvert une chanson des Slits, et l’existence du groupe par la même occasion. Le morceau est une reprise de “Heard it Through The Gravepine”. Cette chanson est une telle  réussite que la seule description que je puisse en faire est que ça s’écoute en boucle.

Je lis une autobiographie en ce moment.  Je suis tombée dessus il y a un mois dans une librairie. Le livre était sur une étagère, on ne voyait que la tranche. Le titre : “De fringues, de musique, de mecs”. J’ai à peu près pensé “Tiens, les 3 meilleurs sujets possibles réunis”. J’attrape le bouquin :  une jeune femme, collants à rayures horizontales, cheveux mollassons, jambes écartées mais plutôt asexuée, est assise sur ce qui semble être un banc de vestiaire. C’est la couverture.  Je tourne le livre, et parcours les quelques lignes du quatrième de couverture. Bim ! Je comprends que c’est la guitariste des Slits.  C’est ça, le truc du destin du lecteur. Les événements de ta vie culturelle seraient liés.

J’ai laissé traîner un peu le bouquin, avant de le commencer il y a quelques jours. Ca m’a procuré un enthousiasme comparable à celui que j’ai eu en lisant le King que je mentionne quelques posts plus bas.

Je savais que je finirais par en parler ici. Je ne voulais pas, à nouveau, me précipiter. Ecrire sur ce livre après l’avoir terminé. Mais las !  Je n’en suis pas capable ( alors que je peux écrire “mais las ! ”). Le passage qui m’a semblé particulièrement juste est celui dans lequel elle décrit la période qui suit l’éclatement du groupe. Elle y parle d’une espèce de malheur qui la tançait, et qui ne l’empêchait pas de rire et d’être parfois presque heureuse. Mais non, le manque du groupe et de sens à sa vie l’en empêchait.  Ca m’a fait penser à “je vais jouer à faire semblant” que s’époumone Clo-clo. J’aime bien ça, dans “le destin du lecteur”. Clo-clo t’aide à ressentir et comprendre le punk.

How Bizarre ?

pink

J’ai aimé Pink Floyd tellement sur le tard que je serais malhonnête de me prétendre fan. Pour autant, je les connais depuis assez longtemps. L’histoire connue que vivent les gens qui ont des frères ou soeurs aîné.e.s. Des tonnes de trucs passent dans tes oreilles, avec plus ou moins d’insistance ou d’égards pour le libre-arbitre de la personne de 8 ans ou à peine plus que tu es.

J’ai vu et revu “The Wall” à un âge où je n’en avais absolument rien à foutre, même s’il ne me serait pas venu à l’idée de le penser en ces termes. C’était triste, c’était décousu, je voyais ça comme une déprime gluante et tenace.  La scène de la chanson”The Wall” me fascinait quand même pas mal. Ce prof bourreau des élèves et lopette devant sa femme, ces enfants masqués qui se transformaient en steaks hachés à l’issue d’une balade sur des tapis roulants me faisaient flipper et me ravissaient en même temps.  Les prémices des sensations que me procurent aujourd’hui les films de zombies.

C’est possible que je confonde tout ça avec Averty (je pense à Averty, le google pour vérifier que je n’écorche pas son nom et me rends compte qu’il est mort cette année) et aussi avec Gandahar, pour toutes les animations. Admettons que tout ça s’agglomère et donne le souvenir de sinistrose cinématographique de mon enfance.

Bon, ben, ce souvenir de déprime cinématographique est fondateur de mes goûts en termes de cinéma et de musique. Aujourd’hui, si quelque chose me fait plaisir, c’est d’être tombée sur ces trucs enfant. J’aurais même tendance à croire, grâce à mon super pouvoir “Zéro nuance et Un seul degré” que c’est un peu grâce à ça que j’ai développé une personnalité qui ne souffre pas de tendance à la dépression.

Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai eu la lattitude d’écouter de la musique dépressive et voir des films sinistres, désespérés ou dont les héros étaient des paumés aux yeux des braves gens. Avoir la télé et peu d’adultes disponibles autour de moi m’a fait atterrir devant “Tenue de soirée” alors que j’étais petite. Ca m’a mise mal à l’aise, j’ai pas vraiment compris et pas vraiment adoré, mais je savais que ça existait. L’avantage, c’est qu’ adolescente, j’ai adoré écouter de la merde – j’avais un album de Mariah Carey  sur la face d’une cassette de 90 – mais j’avais sans cesse besoin d’autre chose – Y avait Thiefaine sur l’autre face – . Un de  mes premiers enthousiasmes musicaux non conditionné par ma fratrie ou mes parents était la BO de “Hair”. J’ai aimé – et j’aime toujours- chacun de morceaux  d’une passion primaire qui me poussait à les écouter en boucle, un par un.

A 15 ans, j’avais invité deux copines à dormir chez moi et leur avais fait écouter ce disque. Je me souviens encore de leurs mines dégoûtées et de ce jugement sans appel “C’est spécial”et “C’est bizarre”. De la part d’une adolescente, on n’aurait pu imaginer de pire insulte. Je n’avais même pas imaginé qu’on puisse appliquer de qualificatif merdeux à de la musique, et bonne en plus.  Je me dis que si j’étais pas tombée sur le triptyque The Wall- Averty- Gandahar enfant, j’aurais pu avoir les deux faces de ma cassette Mariah Careytisées. Le bizarre a du bon.

Lucile, mimolette et Rock’n Roll

berkEnfant, ma chambre était placée juste au-dessus du salon. Le dimanche, trop tôt pour moi, j’étais réveillée par l’ouverture de “Carmen”, à fond dans toute la maison. J’étais une de ces exécrables enfants cultivées et arrogantes. Quand j’en vois une aujourd’hui, j’ai envie de contrevenir à l’interdiction de la claque.

Le snobisme est tenace et, encore aujourd’hui, je ne peux m’empêcher une défiance bien conne à l’égard de ce qui est récent. Je me suis rendue compte que Muse faisait aussi des trucs pas mal il y a 8 ans, et j’ai écouté ma première chanson de NickelBack cette année.  J’en suis restée encore à une seule, faut pas croire non plus que j’aie eu une révélation qui m’aurait menée à ne plus être réac.

Je crois que celle que je connais est plus ou moins un tube : “How you remind me”. Je viens d’aller vérifier sur Youtube et là, double baffe :

1- Le mec s’est fait “la gueule à Nicholas Cage”, comme dirait le meilleur humoriste du service public

2- La chanson affiche un nombre de vues qui avoisine les 400 millions.

J’ai bien conscience de l’enfonçage de portes ouvertes qui va suivre. “How you remind me” me fait un peu l’effet de “Malibu” de Hole. J’ai un gros faible pour le rock propret produit par les Californiens.

Nickelback : déjà, entendre leur nom me donne l’impression qu’on va me coller sur un canapé et me forcer à regarder une chaîne pour enfants. Pour neutraliser Malcolm McDowell, je jure que le forcer à regarder un bootleg de porno et de Robocar Poli aurait été la solution la plus rapide et efficace. Bref, tu vois, ça me fait pas envie.

Et en même temps, c’est ce côté “Mimolette et guitare électrique”  que j’adore. Tu te méfies pas, tu te dis que t’es en train d’écouter de la soupe produite pour NRJ et après, tu te rends compte que le faux Coppola a une belle voix virile et sûre d’elle et qu’il te fait pas chier avec des vibratos de merde. Je suis d’humeur grossière, zut à la fin, je viens d’écouter Nickelback, tu vois.

Bref, cette chanson a le même genre de charme que les personnes que je préfère. Les gens qui la ramènent pas et qui, au fil du temps, te mettent honteusement à l’amende parce que t’aurais juré qu’ils étaient pas drôles  juste parce qu’ils sont un peu polis. “How you remind me” a plutôt l’air de rien mais je trouve vraiment du coeur à ce tube pour midinettes. Ca te sort pas du terrain connu, tu découvres pas de mélodies, de rythmes ou d’instruments. Mais elle existe, elle est là, elle est réconfortante et ne t’écrase pas. C’est l’épaule du pote qui te traîne en boîte parce qu’il a aucune idée de comment te réconforter.

L’amour vs la machine

Avec “Avec le temps”, “Brandt Rhapsodie” est une de ces chansons pour lesquelles on n’a pas le choix. Ce ne sont plus des chansons, elles sont la vérité.

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Je n’aime pas Ferré. Vraiment pas. J’ai tenté, j’ai échoué. Mais peu de chansons m’émeuvent comme celle-ci. Quand elle déboule dans mon casque, très souvent, je prends conscience que je n’étais pas en train d’écouter la musique réellement.  La vérité du texte me saute à la tronche et me tétanise.

Je n’écoute pas vraiment “Brandt Rhapsodie” au casque, plutôt chez moi, dans la pièce principale, quand je suis seule. Je suis alors la ménagère en qui sommeille de façon très légère une adolescente au coeur brisé. Mais est-il des adolescentes dont le coeur n’est pas brisé ?

Quand on écoute Benjamin Biolay et Jeanne Cherhal égrener les Post-it, on visualise immédiatement  qu’ils mesurent les degrés de la déchéance d’un couple. On cherche à savoir où on se  situe sur cette échelle. Pour en avoir parlé avec des personnes qui connaissent cette chanson, je sais que le réflexe est plutôt répandu. Et mène inéluctablement à la mélancolie satisfaite de “celui qui sait”.

Si vous êtes plutôt jeune – et je ne parle de se trouver jeune, je parle de l’être –  et que votre histoire d’amour en est à ses balbutiements, fuyez. Préservez la connerie naïve des premiers émois. Dans le cas contraire, accordez cinq minutes à l’écoute de cette chanson. Quel que soit votre attrait pour Jeanne Cherhal ou Benjamin Biolay. Parce que la sobriété de leur interprétation met en valeur la froideur chirurgicale du texte. Là, je sens bien que décrire une chanson d’amour en parlant de “froideur chirurgicale”, ce n’est pas vraiment servir mon propos.

C’est pourtant exactement grâce à ça que Brandt Rhapsodie vous achève. Ca commence avec une ligne de basse au rythme volontaire et aux notes découragées. S’ensuivent des phrases courtes, où le prosaïque finit par avoir raison de la passion. Et hop, “just like that” (Carrie Bradshaw for ever), on capitule. On admet la mascarade délicieuse puis fatale qu’est la vie de couple. Bref, on termine à la fois déprimé et réconforté.On est un peu malheureux, mais ordinaire, donc normal. Et peu de choses peuvent rassurer plus que ça l’adolescente en train de préparer un pot-au-feu. Tout va bien, finalement.