
Dans les premiers posts de ce blog, j’avais parlé d’une chanson de Barbara, “Septembre” que le visionnage de “Sous le sable” m’avait révélée. Je me souviens en avoir résumé le propos en la comparant à “Et nos baisers” de C. Jérôme.
Pour une bonne partie de ma génération, Barbara est une vieille chanteuse un peu chiante pour gens vaguement lettrés et franchement pédants. Peut-être que j’en fais partie.
Barbara n’a jamais rien évoqué d’intellectuel pour moi. J’ai écouté beaucoup de merdes – mais pas seulement- avant d’arriver jusqu’à elle. C’est la raison pour laquelle j’ai l’impression que c’est “Septembre” qui reprend le sujet de “Et nos baisers” alors que la chronologie dit l’inverse. Je me fais duper de la même façon avec “Le bel âge” et “Il venait d’avoir 18 ans” et “D’elle à Lui” et “Arrête, arrête”. Là, c’est “arrête, arrête” la kitscherie ultime dont je vous recommande l’écoute et “D’elle à lui” est la chanson de Barbara.
C’est une chanson qu’on entend sur l’enregistrement de ses concerts à L’écluse.Elle y a une voix encore jeune et claire. C’est une de mes préférées. Elle n’est pas de Barbara. C’est un homme qui l’a écrite. Je ne sais plus qui, et je m’efforce d’alimenter ce blog avec mes sentiments, pas le résultat de vérifications dans Wikipédia.
Apprendre ça m’avait sciée, à l’époque. L’idée qu’un homme puisse concevoir avec autant de précision un discours de femme ne m’avait jamais effleurée. J’ai pris la même claque plus tard avec “Thérapie” de David Lodge.
Chaque écoute de cette chanson me procure le même étonnement. Un émerveillement accompagné d’une frustration. Ca donne “Ah bon, il existe des hommes capables de conceptualiser la pensée d’autrui ? Et d’une femme ? Et précisément ? Et sans mépris ?” suivi de “Ah mais oui, y a David Lodge et le mec qui a écrit d’Elle à lui.” C’est un peu comme la phrase de Mae West : “Il y a deux hommes idéaux : l’un est déjà mort et l’autre n’est pas encore né”.
“D’elle à lui” bénéficie d’une interprète extraordinaire. Mais c’est avant tout un texte d’une intelligence exceptionnelle. Et ce qui me fascine autant que l’acuité de l’auteur, c’est que c’est exactement le même thème que “Arrête, arrête” dont on jurerait que c’est une parodie. L’idée est assez réconfortante. Quand on aime écrire, on se censure souvent car le thème qu’on a choisi semble éculé. Si quelqu’un en a déjà parlé, c’est mort, il sera impossible de créer quoi que ce soit de valable. Puis on écoute ces deux chansons et on se dit qu’il y a de la place pour les redites.
