La Flaubertienne

Comme tout un chacun, “J’aime pas les fêtes de familles”. Après plusieurs journées désagréables d’affilée, j’ai trouvé du réconfort auprès de France Gall en duo avec Elton John.

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La première cassette que j’ai eue était l’album “Babacar” de France Gall. J’ai dû lire le livret des heures entières, découvrant avec stupeur que Goldman faisait les choeurs sur Babacar. Dans un genre très différent, elle accompagne ma vie presque au même titre que Mano Solo. Selon le type de réconfort recherché, j’écoute l’un ou l’autre. Ou Barbara. Ou d’autres.

“Musik la sé sèl médikaman nou ni”, comme dit le poète. Je jette un oeil à chaque rediffusion hagiographique de Michel Berger, et je n’ai pas manqué de le faire cet été quand l’occasion s’est présentée.

Le truc était assez ordinaire, alternant des chansons tronquées et des interviewes  d”amis proches” larmoyants.  Au milieu de tout ça, une révélation énorme tombe, dite sur le même ton que tout le reste. Michel Berger et Véronique Sanson seraient restés amoureux des années, communiquant par chansons interposées. Un extrait d’une émission la mettant en scène chantant “Le Maudit” devant lui, alors que le titre était sorti 15 ans plus tôt,  la correspondance entre “Seras-tu là” et “Je serai là”….Mon premier degré et moi, on achetait totalement tous ces indices de la vie bafouée de France Gall. 

J’ai quand même pensé à autre chose dans les semaines qui ont suivi. Et j’ai écouté une compile de France Gall fin décembre, parmi laquelle “Ma déclaration”. Rapprochée avec cette théorie merdeuse, cette chanson m’a littéralement glacé le sang. On l’entend, de sa voix acidulée et naïve, chanter les mots qu’on espère écrits pour elle, en pensant à elle. Et puis en écoutant mieux, évidemment que la chanson est écrite pour un.e absent.e. Marchant dans la rue avec cette chanson dans les oreilles, j’étais presque en colère. J’imaginais la femme utilisée par un homme pour déclarer sa flamme à une autre. Je trouvais ça complètement flaubertien (oui, j’ai le sens de la mesure). C’était comme si on détruisait un rêve d’enfant, vu que Michel Berger et France Gall, c’était un idéal de couple d’artistes pépères, et bon, ça se tient, comme idéal, de vouloir être artiste pépère, quand on a 8 ans. Je ne voulais pas croire que c’était vrai. Je me disais qu’on peut pas passer sa vie avec quelqu’un dont on n’a rien à foutre, en aimant une autre personne.

Et la compile a diffusé “Donner pour donner”. Ouf. Du baume au coeur. Le texte peut paraître niais. Pour ma part, sa simplicité me touche beaucoup. Mais il y a d’autres choses. Celle-ci m’a paru réellement écrite pour France Gall. Réellement écrite pour la personne qu’on connaît le mieux et qui partage le quotidien. Et elle donne l’occasion à France Gall de chanter avec un des types qu’elle admire, Elton, qui a l’élégance de faire au moins un plateau télé avec elle et dont ma naïveté me porte à croire qu’il s’est déplacé pour enregistrer la chanson avec elle. Et là, je me dis que cette chanson est un vrai geste d’amour. Ecrite pour elle. “L’amour existe encore” comme dit un autre poète.