
Evidemment que si on était obligé de se choisir une religion – et c’est peut-être d’ailleurs un peu le cas – , je jetterais mon dévolu sur l’écoute de musique. Je fais partie de ces gens si maladroits de leurs mains que la pratique de tout instrument leur est interdite.
Ecouter de la musique n’a jamais rien soigné, mais bordel, qu’est-ce que ça aide à digérer, accepter et assimiler. Mon casque et les moments de solitude qui me sont offerts sont les plus courts chemins vers le souvenir de l’adolescence. Ce n’est pas pourtant spécialement la période de ma vie que je préfère. Mais il était alors plus acceptable d’être à fleur de peau. Je réécoutais ce soir “Abricotine”. Je crois que c’est le premier album d’Eiffel.
Comme à mon habitude, quand le groupe a commencé à se faire connaître, j’ai décidé que c’était de la merde et n’ai pas eu la moindre envie d’être un peu curieuse. J’ai commencé à m’y intéresser à la sortie de “A tout moment”. Leurs débuts étaient si loin d’eux que lorsque je les avais vu en concert, leur guitariste avait été remplacé par celui de Dolly.
Bref, tombant sur “Mon Dragqueen”, cette punchline “ La normalité, ça ne soigne pas” me rappelait, bien sûr, l’adolescence. Difficile d’écrire quelque chose de plus juste. Je n’ai jamais écouté “Eiffel” avant 25 ans, et pourtant, peu de morceaux me MartyMcFlyent comme ceux d’Eiffel.
Je vois bien les limites de truc, et parmi elles, une de celles qui m’arrêtent le plus est le sentiment que Romain Humeau ne semble pas spécialement porté sur le second degré.C’est d’ailleurs peut-être plutôt cohérent avec la période que ça me rappelle. Je pourrais sans doute citer des dizaines de meilleurs musiciens, de groupes plus inventifs, de meilleurs chanteurs mais Eiffel a un genre de grâce qui l’absout de la compétition. Y a des trucs mieux, mais pour certains moments, Eiffel est le compagnon adapté.
Son absence supposée de second degré est peut-être le corollaire d’un manque de recul caractéristique du groupe qui lui donne son audace et cette aura teen-ageresque. Quand on se sent un peu vieillir, Eiffel, c’est un shoot de mots à la fin des agendas, de “je veux des Doc Martens”, d’actions insignifiantes décryptées avec un soin maniaque. 16 ans, à chaque fois.