L’épiphanie Cocciante

tandem 06
De la sueur, de la pisse, du carrelage de métro : ça part bien, ça part sympa

Longtemps, la musique devait, pour moi, se suffire à elle-même.  Je passais du temps seule à écouter, souvent en boucle, l’album du moment. J’étais déjà – encore plus – trop émotive. Je n’avais aucun besoin de complexifier des sensations primaires, certes, mais bouleversantes.

Il y avait les morceaux que j’aimais, ceux que je n’aimais pas. Mon jugement ne connaissait ni appel ni réserve, j’étais adolescente. La musique et les réactions qu’elle provoquait chez moi n’avaient besoin d’adjuvent d’aucune sorte. Ca a dû commencer à changer avec Rochefort dans Tandem qui déambule en peignoir sur “Il mio Rifugio”. Il dégage la tranquillité du mec qui laisse balloter ses couilles sous la robe de chambre. La solitude tient la dragée haute à la pudeur.

Et c’est pile ce que dit cette scène. Je me souviens que la caméra balaye pesamment un appartement meublé d’un innommable bordel. Cocciante, son piano dégoulinant et sa voix virilement geignarde sont le seul fil conducteur de ce merdier. Quelques secondes passent, et déboule Rochefort-la-couille-indolente.

Il est seul parce que dépressif, de cette dépression qui fait perdre non seulement le goût de la vie mais aussi la raison. On le cueille sur le point de basculer. Cocciante à fond. Cocciante, que, bien évidemment, snob comme le sont les ados attardés, je détestais sans la moindre nuance. Le mec avait commis “Un coup de soleil” et oscillait quelque part en Jean-Luc Lahaye et Zucchero dans mon esprit.

Mais Rochefort-le-zgeg-au-vent, Rochefort-qui-taquine-le Xanax a tout changé, le con. “Avec le temps” ou “Heroin” perdaient leur légitime aura de meilleures chansons dépressives. Le cinéma changeait ma façon d’écouter. Plus de 15 ans après avoir vu cette scène “Il mio rifugio” continue de me coller la chair de poule.