Le retour des fouf’ géantes

slits3Le problème du blog est aussi un garde-fou. On peut pas faire trop long. Et je rencontre toujours le même problème. La Digression. Oui, avec une majuscule, car c’est l’essence de mes monologues, oraux ou écrits.

Dans mon dernier billet, je voulais parler des Slits, de Viv Albertine et son autobio. Et hop, je divague et m’éloigne de ma préoccupation. Pourtant “I Heard Through The Gravepine”, me suffirait à écrire des pages entières. Encore plus depuis que j’ai lu le livre sus-nommé. Ca commence avec – je suis sûre qu’il y a un mot pour ça-  les 3 filles qui chantent bouche fermée un son très labial, un genre de litanie.

Une fille  – Ari – commence le chant, et réussit l’exploit punk de produire un genre de bégaiement décidé.  Elle passe ensuite par des miaulements, des performances vocales qui font passer la version de Marvin pour un hymne de grenouilles de bénitiers. Quand les Slits déboulent, on devient un animal. Ca donne envie de sexe, quoi. Ou, tout au moins, de courir torse nu, brandir une canette de bière mauvaise et tiède en découvrant des aisselles non épilées et brailler des “Oï, Oï”. En réalité, souvent, à 17h20, je quitte mon poste dans une banque, ferme jusqu’en haut mon manteau d’hiver, prend le RER et file chercher mon enfant à l’école.

Grâce aux Slits, ça va quand même. Viv Albertine produit un petit son métallique qui me rappelle la scène de la prison dans Hair, et globalement, les scènes de prison qu’on voit dans les fictions américaines. Les choeurs, derrière Ari et la guitare de Viv, sont l’exact contraire d’une minauderie.  Déterminés, graves, désespérés, en colère. La ligne de basse est un aveu que ces filles-là connaissent leur Desmond Dekker mieux que la moyenne.  Techniquement,  et c’est dit dans “De fringues, de musique, de mecs”, les Slits ne sont pas une référence. Bien sûr qu’on s’en fout. On peut difficilement défendre aussi bien qu’elles l’idée qu’une femme n’a pas à être là pour faire joli, pour faire valoir et pour se faire chier.

Sid Vicious Vs/Belinda

 

vivEvidemment, je n’aime pas Claude François. Même si France Gall. Mais j’ai – parfois –  un snobisme de hipster. “Comme d’habitude”, m’émeut. Même avec cette immonde voix nasillarde qu’est celle du blondinet. J’y vois la même grâce qu’on trouve dans certaines chansons de Dalida. Ce côté, que, par manque de vocabulaire, je nomme “ Je prends du gardénal en robe à paillettes”.

J’ai repensé aujourd’hui à cette chanson en lisant “De fringues, de musique, de mecs” de Viv Albertine. J’ai la conviction qu’existe “le destin du lecteur”, concept que j’avais dû voir en fac.

Dans mon “destin de lectrice”, je suis tombée il y a moins de 3 mois sur une émission de radio consacré au punk. J’y ai découvert une chanson des Slits, et l’existence du groupe par la même occasion. Le morceau est une reprise de “Heard it Through The Gravepine”. Cette chanson est une telle  réussite que la seule description que je puisse en faire est que ça s’écoute en boucle.

Je lis une autobiographie en ce moment.  Je suis tombée dessus il y a un mois dans une librairie. Le livre était sur une étagère, on ne voyait que la tranche. Le titre : “De fringues, de musique, de mecs”. J’ai à peu près pensé “Tiens, les 3 meilleurs sujets possibles réunis”. J’attrape le bouquin :  une jeune femme, collants à rayures horizontales, cheveux mollassons, jambes écartées mais plutôt asexuée, est assise sur ce qui semble être un banc de vestiaire. C’est la couverture.  Je tourne le livre, et parcours les quelques lignes du quatrième de couverture. Bim ! Je comprends que c’est la guitariste des Slits.  C’est ça, le truc du destin du lecteur. Les événements de ta vie culturelle seraient liés.

J’ai laissé traîner un peu le bouquin, avant de le commencer il y a quelques jours. Ca m’a procuré un enthousiasme comparable à celui que j’ai eu en lisant le King que je mentionne quelques posts plus bas.

Je savais que je finirais par en parler ici. Je ne voulais pas, à nouveau, me précipiter. Ecrire sur ce livre après l’avoir terminé. Mais las !  Je n’en suis pas capable ( alors que je peux écrire “mais las ! ”). Le passage qui m’a semblé particulièrement juste est celui dans lequel elle décrit la période qui suit l’éclatement du groupe. Elle y parle d’une espèce de malheur qui la tançait, et qui ne l’empêchait pas de rire et d’être parfois presque heureuse. Mais non, le manque du groupe et de sens à sa vie l’en empêchait.  Ca m’a fait penser à “je vais jouer à faire semblant” que s’époumone Clo-clo. J’aime bien ça, dans “le destin du lecteur”. Clo-clo t’aide à ressentir et comprendre le punk.