Fat Beauty

amy
source : digital spy

J’aimerais avoir des goûts plus nobles, mais c’est la comédie romantique qui est, d’aussi loin qu’il m’en souvienne, mon genre de prédilection (la joie vient toujours après la peine, TMTC).

Mon premier souvenir d’enthousiasme cinématographique est “Les Demoiselles de Rochefort”. J’ai tout de suite été sensible au côté “Bulles de savon et Technicolor”. Il a marqué le début d’une passion pour les bluettes -parfois estimées- qui n’a, je le jure, jamais faibli. Et dans ce genre précis, j’ai un attrait particulier pour les films dans lesquels le héros découvre le Vrai Sens de la Vie à l’occasion d’une aventure dans laquelle son esprit est enfermé dans un autre corps que le sien.

“L’aventure Intérieure”, “Big”, “Ce que veulent les femmes”, j’en ai des dizaines en tête.  Tout ça m’a gentiment amenée à regarder “I Feel Pretty”, qui fait la tête de gondole de Netflix en ce moment.

J’aime bien Amy Schumer (enfin, jusqu’à août, je l’aimais bien. Maintenant, je veux voir tout ce qu’elle a fait) et l’idée m’a tout de suite parue pas loin du génial. Ça a exactement la structure des films nommés plus haut. Amy Schumer, qui a le physique que l’on sait et dont nous sommes nombreuses à subir une variante, joue un personnage dont la vie change du tout au tout après un coup sur la tête. Le monde lui sourit alors comme il le fait aux plus jolies. Le détail qui fait le sel du film est qu’elle ne change pas d’un iota. Après une ridicule chute d’un Je-sais-pas-quoi-bike qui peuplent les salles de fitness, elle reprend connaissance persuadée d’être une bombasse à l’élégance et au charme naturels. En réalité, elle garde son teint qui le dispute au porcin et la cellulite due à sa condition féminine.

Je vous épargne la morale, prévisible, et le scénario, prévisible, du film. La justesse qui m’a à la fois réjouie et enragée est celle des situations. Le film s’ouvre sur Amy, rouge, joviale et boudinée trottant dans les allées des magasins de mauvaises fringues prétentieuses. Une vendeuse mince vient lui signifier avec une politesse méprisante que sa taille ne sera pas disponible. L’accent décidé qu’elle prend communique assez clairement “et prends vite la porte, grosse vache, tu vas nous dégoûter la clientèle”.

Ça a l’air de rien, pour qui n’est pas concerné, mais cette scène et bien d’autres dans le film apportent un réconfort impossible à mesurer. “I Feel Pretty” ne passe pas vraiment son message naïf, que l’on pourrait résumer par “Ce qui est important, les filles, c’est d’avoir confiance en soi, d’accord ?”. Pourtant, la magie opère car le constat qu’il fait est évident pour une partie importante de la population (appelons cet échantillon “ les filles à gros cul”) mais totalement ignoré par les autres. L’idée est  que, quand t’es une fille, si t’es ordinaire, tu mérites d’être saquée car vraiment, tu ne fais pas bien ton boulot de fille. Tu pourrais au moins être jolie, merde. Et si c’est pas le cas, il est de bon aloi de te faire subir diverses humiliations.

Je fais partie des femmes qui vivent ça tellement souvent que je ne le relève plus précisément et “I Feel Pretty”, en me le rappelant, m’a fait me sentir moins seule. J’aurais pu être seulement attristée ou en colère, mais je cessai surtout d’être seule au moment où j’ai vu ce film. Et Amy Schumer fait passer avec un talent qui le dispute au génie son message chamallow. La scène de drague, la scène de sa participation à un concours de miss dans un mauvais bar tout ce qu’il y a de plus ricain, la scène de cul illustrent bien que plus on se censure, moins on est bon.Elle ne recule pas devant le potache tant qu’il est au service d’une idée, même simpliste et réconfortante.

Je l’assume, “I Feel Pretty”, est un de mes films préférés parmi ceux que j’ai vus dans les 12 mois qui viennent de passer.

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