Oh, Brigitte chérie

 

brigitte-a-bouche-que-veuxJe vous passe ce que j’ai pensé de Brigitte quand ce duo de filles bonnes a rencontré le succès. J’ai découvert ce qu’elles faisaient, un matin de “pas tout à fait insomnie mais presque”. Un week-end, réveillée à cinq heures, un “Je pourrai jamais me rendormir alors je commence ma journée”.  J’allumais encore la télé à l’époque. Ce jour-là, je tombe sur l’émission qui invite des groupes à faire des concerts chez les gens.

Je vous passe aussi ce que m’a inspiré le décor de l’émission. Un appart parisien aussi immense et luxueux qu’improbable.  Elles faisaient la promo de leur deuxième album. C’était leur époque “indifférenciables”. Je vois ces filles sublimes, dans des robes sublimes et pleines de panache, j’écoute ce qu’elles font, et là, forcément, je pense “réussite”.

Je me rends compte qu’elles ont du talent, des voix justes, sensibles et harmonieuses, j’ai envie de tendre l’oreille plus. Je fais ça. J’achète leur album, je l’écoute en boucle, je vais les voir en concert (à Nantes, le 13 novembre 2015), je ne m’en lasse pas.

J’ai attendu et j’écoute énormément leur dernier album. Passée la période réac – obligatoire en ce qui me concerne – du “ Oh, j’aimais mieux celui d’avant”, j’aime ce nouvel album. Et après le troisième, je commence à comprendre pourquoi.

Comme les séries, comme Romain Duris, Brigitte vieillit en même temps que moi. Juste un peu avant, par élégance, comme pour me prévenir. Elles ont ce truc que plein de femmes rêvent d’avoir en sachant que bon, faut passer à autre chose. Ce Romy Schneider, ce Marylin Monroe. Ce “les hommes la désirent et les femmes l’adorent”. Et elles sont deux comme ça, à s’être trouvées.  Par curiosité, je suis allée écouter ce qu’elles faisaient lorsqu’elles chantaient chacune de leur côté.  Bon.

J’aime chez elle l’aspect assumé de leur musique, et de leur image, il faut l’admettre. Lorsque je les aies vues en concert, j’y étais avec 6 à 8 personnes que je connaissais à des degrés différents. On sort de la salle, et un des types que je connais un peu mais pas tellement me voit toute émue. Je lui explique qu’à un moment, j’ai eu la larme à l’oeil. Il est un peu incrédule. Il me croyait intelligente, le bougre, et je viens de lui dire que je suis une midinette premier degré.

Brigitte est pour moi un des groupes les plus féministes. Sensibles et un peu chiennes, bosseuses et capables d’amitié, elles représentent ce à quoi j’aurais adoré ressembler. Je les aime, parce qu’elles ne renoncent à rien. Parce qu’elles sont “Moi en mieux”, comme dirait Clarika.

Le couple, Mafia des 2010’s

catastropheJ’ai été cinéphile. J’ai eu un enfant. Je suis devenue sérivore. Amour naissant puis grossesse : Six Feet under, seule série vue deux fois.  Relation à distance + boulot horaires décalés : Desperate Housewives.  Suivie de longue période de “Mad men + Breaking Bad + Got + The Walking Dead”.

Je suis passée complètement à côté, et du cinéma, et des séries de Mafia. “The Sopranos, Gomorra etc…” jamais vues. Je n’ai jamais été portée sur les histoires de Mafia. Celles qui trouvent grâce à mes yeux existent, mais elles sont rares. J’ai quand même l’impression que les années 2000 ont vu naître d’importantes séries de gangsters, d’intrigues, de rebondissements, bref, de fictions avec du corps, du rebondissement, du scénario un peu chiadé.

Depuis le début des 2010 (et c’est là que tu te dis que les scénarios de séries, c’est comme Antoine Doinel ou Romain Duris, ça grandit avec toi), la thématique qui prend une large part de marché des séries, c’est le couple.

Love, You’re the Worst, Catastrophe, Casual, The Affair : dans cet ordre, regarder les séries qui composent cette liste, c‘est un peu comme écouter “Brandt Rhapsodie”. Vie et mort du couple. Le sujet est traité de tous les côtés, et, vu mon amour pour les comédies romantiques, je regarde ce qui sort. Je n’ai jamais attaché énormément d’importance aux scénarios. Les personnages sont les éléments qui m’intéressent.

Les fictions audiovisuelles commencent à avoir assez vécu pour avoir une histoire. Je pense à “Ma sorcière bien-aimée” puis “The Affair” et je suis curieuse de l’évolution de la sphère intime dans les séries. J’imagine que des thèses existent sur le sujet. En tout cas, toute béotienne  (j’adore ce mot, même si je passe pour une infâme bêcheuse dès que je l’utilise) que je suis sur la question, je constate qu’on est déjà bien loin de Monica et Chandler. Et j’aime Friends plus que de raison. Bon, en même temps, l’idée d’aimer quelque chose dans les limites du raisonnable me glace un peu le sang. Mais, pour aujourd’hui, là n’est pas la question. Ca fait quelques années, et les cinq séries que j’ai citées plus haut illustrent cette idée, que les séries dépiautent tout le post “happily ever after”. On dénonce peu à peu l’arnaque de l’amour éternel que ne viendrait jamais ternir l’ombre d’un doute. Mis à part le personnage principal du “Ciel peut attendre”, les fictions que je connais ont toujours montré des héros mus par une foi inébranlable en l’Amour. Mais oui, mettons une majuscule, car à ce stade, c’est plus un sentiment, c’est un Dieu. Et mine de rien, pour la midinette amoureuse des histoires que je suis, cet angle a toujours créé une pression réelle, pesante, invisible.

Les 2010’s verront mes quarante ans et l’avènement du règne de la vérité dans la fiction amoureuse.  Adultère minable et problèmes d’ego, névroses et pathologies, manque de cran, familles nuisibles, pulsions ordinaires, trahisons du quotidien… Après des années d’idéalisation frénétique, le couple, dans ce qu’il est parfois, est maintenant représenté. Je suis persuadée que les impacts de ce qui pourrait sembler une mode ont plus d’ampleur que ce qu’on penserait en regardant trop vite.

Mais je l’ai dit plus tôt : dans un blog, on doit faire court. La suite, un peu plus tard.

Le retour des fouf’ géantes

slits3Le problème du blog est aussi un garde-fou. On peut pas faire trop long. Et je rencontre toujours le même problème. La Digression. Oui, avec une majuscule, car c’est l’essence de mes monologues, oraux ou écrits.

Dans mon dernier billet, je voulais parler des Slits, de Viv Albertine et son autobio. Et hop, je divague et m’éloigne de ma préoccupation. Pourtant “I Heard Through The Gravepine”, me suffirait à écrire des pages entières. Encore plus depuis que j’ai lu le livre sus-nommé. Ca commence avec – je suis sûre qu’il y a un mot pour ça-  les 3 filles qui chantent bouche fermée un son très labial, un genre de litanie.

Une fille  – Ari – commence le chant, et réussit l’exploit punk de produire un genre de bégaiement décidé.  Elle passe ensuite par des miaulements, des performances vocales qui font passer la version de Marvin pour un hymne de grenouilles de bénitiers. Quand les Slits déboulent, on devient un animal. Ca donne envie de sexe, quoi. Ou, tout au moins, de courir torse nu, brandir une canette de bière mauvaise et tiède en découvrant des aisselles non épilées et brailler des “Oï, Oï”. En réalité, souvent, à 17h20, je quitte mon poste dans une banque, ferme jusqu’en haut mon manteau d’hiver, prend le RER et file chercher mon enfant à l’école.

Grâce aux Slits, ça va quand même. Viv Albertine produit un petit son métallique qui me rappelle la scène de la prison dans Hair, et globalement, les scènes de prison qu’on voit dans les fictions américaines. Les choeurs, derrière Ari et la guitare de Viv, sont l’exact contraire d’une minauderie.  Déterminés, graves, désespérés, en colère. La ligne de basse est un aveu que ces filles-là connaissent leur Desmond Dekker mieux que la moyenne.  Techniquement,  et c’est dit dans “De fringues, de musique, de mecs”, les Slits ne sont pas une référence. Bien sûr qu’on s’en fout. On peut difficilement défendre aussi bien qu’elles l’idée qu’une femme n’a pas à être là pour faire joli, pour faire valoir et pour se faire chier.

Sid Vicious Vs/Belinda

 

vivEvidemment, je n’aime pas Claude François. Même si France Gall. Mais j’ai – parfois –  un snobisme de hipster. “Comme d’habitude”, m’émeut. Même avec cette immonde voix nasillarde qu’est celle du blondinet. J’y vois la même grâce qu’on trouve dans certaines chansons de Dalida. Ce côté, que, par manque de vocabulaire, je nomme “ Je prends du gardénal en robe à paillettes”.

J’ai repensé aujourd’hui à cette chanson en lisant “De fringues, de musique, de mecs” de Viv Albertine. J’ai la conviction qu’existe “le destin du lecteur”, concept que j’avais dû voir en fac.

Dans mon “destin de lectrice”, je suis tombée il y a moins de 3 mois sur une émission de radio consacré au punk. J’y ai découvert une chanson des Slits, et l’existence du groupe par la même occasion. Le morceau est une reprise de “Heard it Through The Gravepine”. Cette chanson est une telle  réussite que la seule description que je puisse en faire est que ça s’écoute en boucle.

Je lis une autobiographie en ce moment.  Je suis tombée dessus il y a un mois dans une librairie. Le livre était sur une étagère, on ne voyait que la tranche. Le titre : “De fringues, de musique, de mecs”. J’ai à peu près pensé “Tiens, les 3 meilleurs sujets possibles réunis”. J’attrape le bouquin :  une jeune femme, collants à rayures horizontales, cheveux mollassons, jambes écartées mais plutôt asexuée, est assise sur ce qui semble être un banc de vestiaire. C’est la couverture.  Je tourne le livre, et parcours les quelques lignes du quatrième de couverture. Bim ! Je comprends que c’est la guitariste des Slits.  C’est ça, le truc du destin du lecteur. Les événements de ta vie culturelle seraient liés.

J’ai laissé traîner un peu le bouquin, avant de le commencer il y a quelques jours. Ca m’a procuré un enthousiasme comparable à celui que j’ai eu en lisant le King que je mentionne quelques posts plus bas.

Je savais que je finirais par en parler ici. Je ne voulais pas, à nouveau, me précipiter. Ecrire sur ce livre après l’avoir terminé. Mais las !  Je n’en suis pas capable ( alors que je peux écrire “mais las ! ”). Le passage qui m’a semblé particulièrement juste est celui dans lequel elle décrit la période qui suit l’éclatement du groupe. Elle y parle d’une espèce de malheur qui la tançait, et qui ne l’empêchait pas de rire et d’être parfois presque heureuse. Mais non, le manque du groupe et de sens à sa vie l’en empêchait.  Ca m’a fait penser à “je vais jouer à faire semblant” que s’époumone Clo-clo. J’aime bien ça, dans “le destin du lecteur”. Clo-clo t’aide à ressentir et comprendre le punk.

Sixteen Candles

eiffel

Evidemment que si on était obligé de se choisir une religion – et c’est peut-être d’ailleurs un peu le cas – , je jetterais mon dévolu sur l’écoute de musique. Je fais partie de ces gens si maladroits de leurs mains que la pratique de tout instrument leur est interdite.

Ecouter de la musique n’a jamais rien soigné, mais bordel, qu’est-ce que ça aide à digérer, accepter et assimiler. Mon casque et les moments de solitude qui me sont offerts sont les plus courts chemins vers le souvenir de l’adolescence. Ce n’est pas pourtant spécialement la période de ma vie que je préfère. Mais il était alors plus acceptable d’être à fleur de peau. Je réécoutais ce soir “Abricotine”. Je crois que c’est le premier album d’Eiffel.

Comme à mon habitude, quand le groupe a commencé à se faire connaître, j’ai décidé que c’était de la merde et n’ai pas eu la moindre envie d’être un peu curieuse. J’ai commencé à m’y intéresser à la sortie de “A tout moment”. Leurs débuts étaient si loin d’eux que lorsque je les avais vu en concert, leur guitariste avait été remplacé par celui de Dolly.

Bref, tombant sur “Mon Dragqueen”, cette punchline “ La normalité, ça ne soigne pas” me rappelait, bien sûr, l’adolescence.  Difficile d’écrire quelque chose de plus juste.  Je n’ai jamais écouté “Eiffel” avant 25 ans, et pourtant, peu de morceaux me MartyMcFlyent comme ceux d’Eiffel.

Je vois bien les limites de truc, et parmi elles, une de celles qui m’arrêtent le plus est le sentiment que Romain Humeau ne semble pas spécialement porté sur le second degré.C’est d’ailleurs peut-être plutôt cohérent avec la période que ça me rappelle. Je pourrais sans doute citer des dizaines de meilleurs musiciens, de groupes plus inventifs, de meilleurs chanteurs mais Eiffel a un genre de grâce qui l’absout de la compétition. Y a des trucs mieux, mais pour certains moments, Eiffel est le compagnon adapté.

Son absence supposée de second degré est peut-être le corollaire d’un manque de recul caractéristique du groupe qui lui donne son audace et cette aura teen-ageresque. Quand on se sent un peu vieillir, Eiffel, c’est un shoot de mots à la fin des agendas, de “je veux des Doc Martens”, d’actions insignifiantes décryptées avec un soin maniaque. 16 ans, à chaque fois.

La Flaubertienne

Comme tout un chacun, “J’aime pas les fêtes de familles”. Après plusieurs journées désagréables d’affilée, j’ai trouvé du réconfort auprès de France Gall en duo avec Elton John.

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La première cassette que j’ai eue était l’album “Babacar” de France Gall. J’ai dû lire le livret des heures entières, découvrant avec stupeur que Goldman faisait les choeurs sur Babacar. Dans un genre très différent, elle accompagne ma vie presque au même titre que Mano Solo. Selon le type de réconfort recherché, j’écoute l’un ou l’autre. Ou Barbara. Ou d’autres.

“Musik la sé sèl médikaman nou ni”, comme dit le poète. Je jette un oeil à chaque rediffusion hagiographique de Michel Berger, et je n’ai pas manqué de le faire cet été quand l’occasion s’est présentée.

Le truc était assez ordinaire, alternant des chansons tronquées et des interviewes  d”amis proches” larmoyants.  Au milieu de tout ça, une révélation énorme tombe, dite sur le même ton que tout le reste. Michel Berger et Véronique Sanson seraient restés amoureux des années, communiquant par chansons interposées. Un extrait d’une émission la mettant en scène chantant “Le Maudit” devant lui, alors que le titre était sorti 15 ans plus tôt,  la correspondance entre “Seras-tu là” et “Je serai là”….Mon premier degré et moi, on achetait totalement tous ces indices de la vie bafouée de France Gall. 

J’ai quand même pensé à autre chose dans les semaines qui ont suivi. Et j’ai écouté une compile de France Gall fin décembre, parmi laquelle “Ma déclaration”. Rapprochée avec cette théorie merdeuse, cette chanson m’a littéralement glacé le sang. On l’entend, de sa voix acidulée et naïve, chanter les mots qu’on espère écrits pour elle, en pensant à elle. Et puis en écoutant mieux, évidemment que la chanson est écrite pour un.e absent.e. Marchant dans la rue avec cette chanson dans les oreilles, j’étais presque en colère. J’imaginais la femme utilisée par un homme pour déclarer sa flamme à une autre. Je trouvais ça complètement flaubertien (oui, j’ai le sens de la mesure). C’était comme si on détruisait un rêve d’enfant, vu que Michel Berger et France Gall, c’était un idéal de couple d’artistes pépères, et bon, ça se tient, comme idéal, de vouloir être artiste pépère, quand on a 8 ans. Je ne voulais pas croire que c’était vrai. Je me disais qu’on peut pas passer sa vie avec quelqu’un dont on n’a rien à foutre, en aimant une autre personne.

Et la compile a diffusé “Donner pour donner”. Ouf. Du baume au coeur. Le texte peut paraître niais. Pour ma part, sa simplicité me touche beaucoup. Mais il y a d’autres choses. Celle-ci m’a paru réellement écrite pour France Gall. Réellement écrite pour la personne qu’on connaît le mieux et qui partage le quotidien. Et elle donne l’occasion à France Gall de chanter avec un des types qu’elle admire, Elton, qui a l’élégance de faire au moins un plateau télé avec elle et dont ma naïveté me porte à croire qu’il s’est déplacé pour enregistrer la chanson avec elle. Et là, je me dis que cette chanson est un vrai geste d’amour. Ecrite pour elle. “L’amour existe encore” comme dit un autre poète. 

How Bizarre ?

pink

J’ai aimé Pink Floyd tellement sur le tard que je serais malhonnête de me prétendre fan. Pour autant, je les connais depuis assez longtemps. L’histoire connue que vivent les gens qui ont des frères ou soeurs aîné.e.s. Des tonnes de trucs passent dans tes oreilles, avec plus ou moins d’insistance ou d’égards pour le libre-arbitre de la personne de 8 ans ou à peine plus que tu es.

J’ai vu et revu “The Wall” à un âge où je n’en avais absolument rien à foutre, même s’il ne me serait pas venu à l’idée de le penser en ces termes. C’était triste, c’était décousu, je voyais ça comme une déprime gluante et tenace.  La scène de la chanson”The Wall” me fascinait quand même pas mal. Ce prof bourreau des élèves et lopette devant sa femme, ces enfants masqués qui se transformaient en steaks hachés à l’issue d’une balade sur des tapis roulants me faisaient flipper et me ravissaient en même temps.  Les prémices des sensations que me procurent aujourd’hui les films de zombies.

C’est possible que je confonde tout ça avec Averty (je pense à Averty, le google pour vérifier que je n’écorche pas son nom et me rends compte qu’il est mort cette année) et aussi avec Gandahar, pour toutes les animations. Admettons que tout ça s’agglomère et donne le souvenir de sinistrose cinématographique de mon enfance.

Bon, ben, ce souvenir de déprime cinématographique est fondateur de mes goûts en termes de cinéma et de musique. Aujourd’hui, si quelque chose me fait plaisir, c’est d’être tombée sur ces trucs enfant. J’aurais même tendance à croire, grâce à mon super pouvoir “Zéro nuance et Un seul degré” que c’est un peu grâce à ça que j’ai développé une personnalité qui ne souffre pas de tendance à la dépression.

Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai eu la lattitude d’écouter de la musique dépressive et voir des films sinistres, désespérés ou dont les héros étaient des paumés aux yeux des braves gens. Avoir la télé et peu d’adultes disponibles autour de moi m’a fait atterrir devant “Tenue de soirée” alors que j’étais petite. Ca m’a mise mal à l’aise, j’ai pas vraiment compris et pas vraiment adoré, mais je savais que ça existait. L’avantage, c’est qu’ adolescente, j’ai adoré écouter de la merde – j’avais un album de Mariah Carey  sur la face d’une cassette de 90 – mais j’avais sans cesse besoin d’autre chose – Y avait Thiefaine sur l’autre face – . Un de  mes premiers enthousiasmes musicaux non conditionné par ma fratrie ou mes parents était la BO de “Hair”. J’ai aimé – et j’aime toujours- chacun de morceaux  d’une passion primaire qui me poussait à les écouter en boucle, un par un.

A 15 ans, j’avais invité deux copines à dormir chez moi et leur avais fait écouter ce disque. Je me souviens encore de leurs mines dégoûtées et de ce jugement sans appel “C’est spécial”et “C’est bizarre”. De la part d’une adolescente, on n’aurait pu imaginer de pire insulte. Je n’avais même pas imaginé qu’on puisse appliquer de qualificatif merdeux à de la musique, et bonne en plus.  Je me dis que si j’étais pas tombée sur le triptyque The Wall- Averty- Gandahar enfant, j’aurais pu avoir les deux faces de ma cassette Mariah Careytisées. Le bizarre a du bon.

L’expérience interdite

Habillé en After Eight (ou plutôt en Eight After, puisque la menthe domine), Albin de la Simone était hier au Café de la Danse. Un concert que des cons qualifieraient de “minimaliste”. Le type étant un excellent musicien et arrangeur, le moindre détail a du sens et du charme. Seuls sa voix et son clavier sont sonorisés, les cordes et percussions ne le sont pas. Lui danse parfois, d’une danse libre, non technique et qui serait ridicule si elle n’était pas communicative. Mais il sait attirer l’attention sur un mouvement de sourcil, si bien qu’il n’est pas tenu de s’agiter comme un gland pour mettre de l’ambiance.

Il arrive sur scène, présente ses musiciens (François Lasserre, là depuis toujours) et le dispositif du concert comme le ferait le serveur dans un resto vaguement chic. Il s’assoit et débute par “Dans la tête”.

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Il extirpe ensuite de ses 5 albums de quoi raconter une histoire un peu triste et très juste. Celle du couple subclaquant qui parfois surnage et lutte contre la possibilité de l’adultère. Celle du couple où l’un rassure l’autre, où les deux vieillissent et où l’on s’aime en s’étonnant de la forme que l’amour prend quand il a survécu. Quand la séduction appartient à un lointain passé, on utilise le couple pour se détourner de ses névroses. On le regarde s’éteindre doucement des années en pensant parfois que l’amour ne devrait pas être un pansement. On est bien sûrs qu’à un moment, il faut l’arracher, ce putain de pansement, devenu cradingue et se décollant. Et le couple que chante Albin de la Simone est finalement la cicatrice sous le pansement.

Une aspérité sans sang ni douleur, constitutive de la personne qu’on est devenu. L’amour qui dure toujours existe et on découvre en écoutant ses chansons que c’est forcément un sentiment revenant, un genre de mort-vivant. L’amour, après 40 ans, est là parce qu’il a survécu au point de non retour.

ADDENDUM (encore, oui) : Je réécoute « How you remind me » après avoir terminé ce post. Le sujet est exactement le même, je n’en avais aucune idée.

Lucile, mimolette et Rock’n Roll

berkEnfant, ma chambre était placée juste au-dessus du salon. Le dimanche, trop tôt pour moi, j’étais réveillée par l’ouverture de “Carmen”, à fond dans toute la maison. J’étais une de ces exécrables enfants cultivées et arrogantes. Quand j’en vois une aujourd’hui, j’ai envie de contrevenir à l’interdiction de la claque.

Le snobisme est tenace et, encore aujourd’hui, je ne peux m’empêcher une défiance bien conne à l’égard de ce qui est récent. Je me suis rendue compte que Muse faisait aussi des trucs pas mal il y a 8 ans, et j’ai écouté ma première chanson de NickelBack cette année.  J’en suis restée encore à une seule, faut pas croire non plus que j’aie eu une révélation qui m’aurait menée à ne plus être réac.

Je crois que celle que je connais est plus ou moins un tube : “How you remind me”. Je viens d’aller vérifier sur Youtube et là, double baffe :

1- Le mec s’est fait “la gueule à Nicholas Cage”, comme dirait le meilleur humoriste du service public

2- La chanson affiche un nombre de vues qui avoisine les 400 millions.

J’ai bien conscience de l’enfonçage de portes ouvertes qui va suivre. “How you remind me” me fait un peu l’effet de “Malibu” de Hole. J’ai un gros faible pour le rock propret produit par les Californiens.

Nickelback : déjà, entendre leur nom me donne l’impression qu’on va me coller sur un canapé et me forcer à regarder une chaîne pour enfants. Pour neutraliser Malcolm McDowell, je jure que le forcer à regarder un bootleg de porno et de Robocar Poli aurait été la solution la plus rapide et efficace. Bref, tu vois, ça me fait pas envie.

Et en même temps, c’est ce côté “Mimolette et guitare électrique”  que j’adore. Tu te méfies pas, tu te dis que t’es en train d’écouter de la soupe produite pour NRJ et après, tu te rends compte que le faux Coppola a une belle voix virile et sûre d’elle et qu’il te fait pas chier avec des vibratos de merde. Je suis d’humeur grossière, zut à la fin, je viens d’écouter Nickelback, tu vois.

Bref, cette chanson a le même genre de charme que les personnes que je préfère. Les gens qui la ramènent pas et qui, au fil du temps, te mettent honteusement à l’amende parce que t’aurais juré qu’ils étaient pas drôles  juste parce qu’ils sont un peu polis. “How you remind me” a plutôt l’air de rien mais je trouve vraiment du coeur à ce tube pour midinettes. Ca te sort pas du terrain connu, tu découvres pas de mélodies, de rythmes ou d’instruments. Mais elle existe, elle est là, elle est réconfortante et ne t’écrase pas. C’est l’épaule du pote qui te traîne en boîte parce qu’il a aucune idée de comment te réconforter.

Seultou

mano

J’écoute Mano Solo depuis ce qui, d’après l’état civil et la biologie, s’apparente à la fin de l’adolescence. Pour ma part, je n’ai jamais été bien certaine qu’elle ait été terminée.

Le souvenir des premières écoutes est très lié à celui d’après-midi à fumer dans un bang donné, en excellent commercial, par mon dealer. Mes deux premières années de fac se confondent en une longue après-midi à “coller des douilles” seule, en écoutant Mano Solo. Le temps qui passe a la gentillesse de faire passer ça pour de bons souvenirs.

Coupée du monde et cotonneuse, j’ai passé un temps fou avec les chansons de Mano Solo. Cette habitude a traîné en longueur et a parfois évolué au long des quelques années qui ont suivi.  Je n’ai ensuite écouté ses chansons que de façon sporadique. Puis, pendant ma grossesse, j’ai écouté à nouveau ses albums.

J’étais tombée, quelques semaines plus tôt, dans un bar de quartier, sur une fille jolie mais un peu abîmée qui reprenait en concert et au piano Mano Solo. Exaltée, elle affirmait que les chansons de Mano Solo étaient, en réalité, très joyeuses. Elle s’est ensuite lancée dans une hagiographie d’ivrogne irrégulièrement intéressante. N’empêche que sa phrase me faisait hésiter. Je ne savais pas si elle en faisait des caisses ou si elle disait juste.

D’abord empêchée par la chrétienne honte de vouloir écouter des chansons tristes pendant ce moment d’euphorie obligatoire, je me remémorais sans les écouter les chansons que je connaissais le mieux.

Puis, je me suis repassée chacun de ses disques. Seule, l’après-midi. La différence était que la grossesse était l’état qui me rendait à fleur de peau. Et j’ai repensé à ce qu’avait dit la fille. A l’heure où j’endossais pour toujours la responsabilité de quelqu’un, je prenais plaisir à me rappeler ce que c’est d’être solitaire.

Je n’irai pas jusqu’à parler de “joie”mais de soif de vivre, si. J’ai failli vous remettre un “inextinguible” pour la route, mais on frôlerait l’overdose, et en parlant de Mano Solo, ça serait de mauvais goût.

Après mon DEUG, j’ai continué à écouter ses albums et j’ai connu en même temps une période « collage ». J’assemblais des photos, des dialogues de films, et en tapissais les murs de ma salle de bains et de toilettes. J’avais pas la place pour mettre des magazines, mais les copains qui passaient avaient quand même de la lecture. J’avais recopié le début des paroles de “Tous les jours”, qui est pour moi, une de ses chansons les plus importantes. Quand je l’écoute aujourd’hui, ça me fait toujours ce truc qui n’est pas de la nostalgie, mais pas loin. Comme quand on repense à l’amour – non réciproque, bien sûr- qu’on a ressenti adolescent pour une créature populaire et dédaigneuse. On n’a plus aucun intérêt pour l’objet de cette affection passée, mais beaucoup de tendresse pour la personne qu’on était alors. Un peu con, incapable de recul, vivant un nouveau drame chaque semaine.

J’aime toujours la musique de Mano Solo. Je regrette toujours de ne pas l’avoir vu en concert, mais, en plus, “Tous les jours” me rappelle la jeune fille que j’étais. Cette chanson, c’est comme si je la prenais dans mes bras pour qu’enfin, elle pleure un peu. Pas de la nostalgie, mais pas loin.